CHANSONS EN BRETON SUR FEUILLES VOLANTES

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La mort et l'enterrement de Léon Gambetta ont inspiré chez un compositeur quimperois cette chanson sur feuilles volantes particulièrement féroce qui témoigne de la rudesse des combats politiques de la fin du 19ème siècle.

 

GAMBETTA, E VARO,un éloge funèbre très particulier....

Thierry Rouaud, Musique Bretonne n°117 (Avr-Mai 1992) http://www.dastum.com

 

Le 27 novembre 1882, l'homme politique républicain Léon Gambetta se blesse à la main en manipulant un revolver. La blessure, sans gravité, cicatrise rapidement mais le convalescent se plaint de douleurs abdominales. Les nombreux médecins appelés à son chevet diagnostiquent une appendicite infectée et hésitent à opérer. Gambetta décédera d'une septicémie le 31 décembre à l'âge de 44 ans.

Telle est la version officielle mais difficilement admise à l'époque de la mort de ce républicain, adversaire farouche de l'Église. A Quimper, cet événement inspire Mikeal Queinec qui en tire une chanson sur feuille volante. On pourrait attendre que le texte déplore la perte prématurée de l'homme d'État, pourtant il n'en est rien. Le compositeur qui est un tenant de la droite cléricale va reprendre les arguments de son parti pour trousser un éloge funèbre peu... élogieux.

Léon Gambetta

Après avoir attribué le coup de feu à la main d'une " putain ", Queinec raconte l'autopsie et l'embaumement en insistant sur l'odeur de putréfaction dégagée. L'activité politique du défunt est ensuite passée au crible par de supposés spectateurs des funérailles nationales. Certains membres du cortège, fumant cigare et portant chapeau, rappellent la participation de Gambetta à la fondation de la Troisième République, sa volonté de poursuivre la guerre de 1870, ainsi que diverses autres affaires. La laïcisation de l'enseignement est bien évidemment au centre du débat politique et Queinec ne se prive pas, par personne interposée, de mettre en avant l'anticléricalisme et la qualité de franc-maçon de Gambetta.

Le décès est présenté comme une juste punition céleste et la dépense qu'il occasionne trop élevée pour un homme qui 'a coûté si cher à engraisser. La dernière partie de la chanson met en scène les acteurs généralement peu remarqués que sont les vers occupés à dévorer le cadavre. Ces derniers, âmes simples et cléricales, louent leur Créateur de leur offrir un repas aussi succulent...

Un court texte en prose résume les faits et informe les républicains qu'un sort identique les attend. Sur la même feuille volante est jointe une gwerz de Queinec consacrée au vicaire Jégou, mort à Quimper un mois avant Gambetta, mais en odeur de sainteté.

Mikeal Queinec (1849-1909), né à Pluguffan, fut employé comme concierge au grand séminaire de Quimper avant de s'établir comme chapelier rue Kéreon en 1898. Joseph Ollivier lui attribue une trentaine de chansons composées en majorité entre 1880 et 1893 et imprimées le plus souvent chez l'imprimeur De Kerangal. Si l'énoncé des titres : crimes, guerres et naufrages ne le distingue pas de nombreux autres compositeurs de chansons sur feuilles volantes, son engagement politique apparaît clairement dans la manière dont il traite et commente les événements. Ses intentions polémiques le poussent souvent à ajouter des textes en prose en dehors de la chanson afin de moduler ou de renforcer ses attaques.

Michel Quéinec

Dans lmpalaer ar Russi. (1881), Queinec, sous le pseudonyme 'Eur Glazic', montre le malheureux tsar Alexandre III, traqué par des nihilistes sans pitié qui massacrent son entourage avant de finalement l'atteindre. Un ajout en bas de page précise que ces terribles nihilistes sont les équivalents russes des radicaux et des francs-maçons.

Harz al laer est une charge contre les notaires et les banquiers véreux. L'auteur signale par avance qu'il ne s'attaque qu'aux voleurs et non aux autres. Il enfonce le clou dans la chanson en ajoutant qu'en cas de poursuites, il ne pourra pas payer et que son vieux père à charge mourra de faim.

En 1882, Mikeal Queinec, avec Brezel an Tonkin hag ar Chin, salue le départ des soldats mais ne peut s'empêcher de proposer une prière afin que la troupe n'ait pas à subir un châtiment divin amplement mérité par ses chefs républicains. Trois ans plus tard, les autochtones ayant eu le mauvais goût de résister, la paix est signée à Tien Tsin. Queinec publie alors une chanson différente Brezel ar Chin hag an Tonkin dans laquelle il décrit le courage des soldats mais fustige le gouvernement de n'avoir pas envoyé de troupes en nombre suffisant et d'avoir dilapidé les fonds publics. Certains députés du Finistère sont cités comme ayant 'déshonoré le département'.

Compte tenu de ses opinions, on ne s'étonnera pas de voir Mikeal Queinec prendre la défense du clergé, notamment lors des expulsions de congrégations telle celle de Jésuites quimpérois en 1880. Brezel ar Jesuited.. est un reportage versifié de cette opération.

Gwerz an dud krouguet... (1889) débute par une longue lamentation sur la violence qui règne dans ce monde impie et la propension des gens à assassiner ou à se suicider sans souci des préceptes religieux. A titre d'exemple, l'acheteur apprend comment, dans les Vosges, un certain Grosgeorges s'attela, un beau matin, à fracasser à coups de maillet les crânes de sa femme et de ses cinq enfants, avant de se pendre.

Ces quelques exemples des œuvres de Mikeal Queinec illustrent l'apparition, vers la fin du dix-neuvième siècle, de chansons sur feuilles volantes exprimant une opposition au pouvoir en place. Avant la loi de 1881, les autorités civiles et religieuses ont exercé une surveillance constante envers l'impression et le colportage, ne laissant guère que la possibilité du 'bon choix'. Les textes de Mikeal Queinec ne sont pas des tracts à proprement parler mais plutôt un commentaire politisé des événements. L'outrance des arguments, tout à fait dans le style du débat politique de la Troisième République, n'a rien de choquant pour l'époque. On voit ici que le traitement de l'actualité locale, nationale et internationale dans les chansons sur feuilles volantes ne s'est pas toujours borné à une simple traduction versifiée d'articles de presse.

Thierry Rouaud

Bibliographie.
- J.Ollivier, Catalogue bibliographique de la chanson populaire bretonne sur feuille volante. Quimper, Le Goaziou, 1942.
- J.Ganiage, L'expansion coloniale et les rivalités internationales. Paris, C.D.U., 1975.
- P.-B. Gheusi, La vie et la mort singulière de Léon Gambetta. Paris, Albin Michel, 1932
- .Fonds de chansons sur feuilles volantes conservé à la médiathèque Dastum, Rennes.

 

GAMBETTA E VARO

Bretouned keas, ne spountit ket,
'vit klevet ar pez zo digouêt,
E kichen Paris, 'n'euz ket pell,
Gant Gambetta, araog mervel.

Eun tenn' doa bet enn he voellou
Hag eun all ebarz n'he zourn deou,
A lavarer barz en he di,
Digant unan deuz he c'histi.

Goude kof bras paour Gambetta
Voa en em laket da vreina ;
Ma renke ann dud mont er mez,
Pe vijent mouget gant ar c'houez.

Abarz zoken 'voa tremenet,
E voa kommanset ar prenved
d'ober dezhan eur brezel kriz,
Plas n'hini 'doa gret d'ann Iliz.

Goude voa maro ann aotrou,
Voa tennet outhan ho voellou,
Gant dek medesin 'voa enn ti,
0 sonjal dont d'he ambommi.

Kaer voa c'houeza n'ho ziadren,
Ar c'houez a zeue krevac'h krenv,
Darbet voa deo be kontammet
C'hoaz deuz ket gellet he viret.

Ar vedisinet deuz he benn,
Deuz tennet neuze he empenn,
Ha goude laket Gambetta
'Barz n'enn n'archet da beur-vreina.

Gambetta, epad he vue,
En doa gret brezel da Zoue
Ha setu hen brema maro
Hep belek ebet var he dro.

He gorf breinet, enn eun archet,
Dre Baris a zo bet douget,
Ha var he lerc'h gant ho zokou
Teue tud gant sigarennou.

0 komz divar benn ann den-ze
Lod a c'hoarze hag a fume
N'eur lavaret d'ar re dosta
Maro mad eo la Gambetta ?

Koulskoude emezho, eo bet
N'he vuez gallouduz meurbet,
Ha kement den a voa er vro
A grene klevet he hano.

Brezel ar Pruss voa gret gantha,
'hini Tunis, da ziveza;
Ar Republik en doa fountet,
Ha Mac'hmahon en deus pilet.

Ar zoudarded skuiz ho diouskoaz
N'eil d'egile a lavaraz,
N'eur vont goustadik gant ar ru
Heman voa Republikan-ru !

Klasket 'n 'oa pillat ar c'hroaziou
Euz an tiez hag ar skoliou,
Mes setu ma brema maro
Doue var he lerc'h a jommo.

Kalz ilizou a zo prennet
Ganthan ha gant he vignounet,
Ha sounj en devoa serra c'hoaz,
Mes aze Doue hen herpaz.

Ar c'hezegou voa droug ennho
O vont var lerc'h ar c'horf maro,
Hag o larent' n eil d'egile :
Heman voa enebour Doue.

Enebour voa d'ar veleien,
D'ar seurezet, d'ar gristenien.
D'ar freret ha d'ar jesuistet,
Brema vad eo boued ar prenved

Ann dud a voa 'barz er ruiou
Perak kement a zispignou
'Vit enori korf Gambetta ?
Goall ger eo bet d'eomp he larda.

Eur c'hreg oa eno o sellet
A bouez penn e deuz lavaret:
Me m'euz kollet, grass d'ann den-ze
Va faotr siouaz ! 'barz enn armo

D'ezhi a respountaz eun tad :
Ouspenn evidoc'h, va greg vad,
A vouel c'haos d'ho bugaligou,
Kollet dre faotou ann Aotrou.

Dispig net zo bet fors arc'hant,
'Vit ober he enterramant.
Divar goust hor bro revinet,
C'hoaz evithan n'euz ket pedet.

Hep kroaz ebet evel eur c'hi,
Gant kalz a drouz ha jolori,
Dre ar ruiou eo bet kasset,
He gorf neuze hanter-vreinet,

Ar zoudardet araog ar c'horf,
Kalz anezho a bec'he fors,
Dre ma renkent en em skuiza
'Vit enori korf Gambetta.

Ar framansounet miliget,
Ho merkou o doa displeget,
Da ziskuez int enebourien,
D'ann Iliz ha d'ar gristenien.

Tud ha loened oll e voant skuiz,
0 vale dre ruiou Paris,
Ha ne glevet nemet klemmou
Perak ta kement a reusiou !

0ll n'em glemment met ar prenved,
A voa barz enn archet douget
0 tibi hag o frikota,
Divar goust ar paour Gambetta.

Lavaret rent 'n eil d'egile.
Gambetta gare ket Doue
Mes ganeomp-ni 'ta vo meulet
P'en deuz gret d'eomp kaout eur seurt boued.

0 va Doue ; na c'hui zo mad,
Pa roit d'eomp-ni boued dilikat,
Da zibd ama enn hon ez,
Epad maz euz kalz tud diez.

Red eo ve tud ber a spered
Pa gredont n'euz Doue ebet
Evidomp-ni a gred enhan
Ama n'eur zibi Gambetta.

C'hui, prenved 'ta gred e Doue,
En eur zibri korf ann den-ze,
Elec'h hen deuz m'am beuz klevet
Ne grede e Doue ebet

Bet en doa bet eur spered-bras
Gantha 'deuz gret brezel d'r groaz
Mes Doue voa deut da skuiza
Dirazan c'halvaz Gambetta

Dirak Doue daoulinomp oll
Evit n'az afomp ket da goll
Goude kaout poan ha trubulliou
Ama o tougen hor c'hroaziou

Bretouned, kalz dud a veler
Hoc'h ober brezel d'hor Zalver
Hag heb dale vezint barnet
Gant Jesus, skuiz deuz ho c'hlevet

Kristenien, pa m'omp e bue
Bevomp hervez lezenn Doue
'Vit ma 'z aimp goude da repoz
Gantha ebarz n'he varados

(Texte ajouté au bas de la chanson)

Gametta a voa ganet e Cahors, e departamant Lot, d'ann 3 a viz ebrel 1838, maro e kichen Paris, d'ann devez diveza euz ar bloaz 1882, pemp munutenn araog an anter-noz. Epad ar bloavez 1870 hag 71, eo hen a gommande d'ar Frans ar bez ; labouret en deuz kalz evit fonnta ar Republik ; hen eo bet ar c'hrenva euz ar republikanet, deut a voa ive pi vidik euz a netra. Enebet ha gret en deuz brezel d'an iliz ha da Zoue. Mes, Doue en deuz roet dezhan tol ar maro dre zaouarn eur vaouez fall a leverer. Maro eo hep belek ebet var he dro . C'hui tud difeiz ha dizoue lakit evez, rak Doue ho kavo abret pe zivezat.


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http://www.quercy.net/qhistorique/quercinois/quercinois.html#gambetta

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